« Le vin est un produit culturel »

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Rendez-vous l’hôtel Oscar London pour un tête-à-tête avec Robert Mathias, Master of Wine, qui nous livre son regard affûté sur l’évolution de la scène internationale du vin.

Robert Mathias

Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans le vin ?

Je n’ai pas eu de déclic particulier. J’ai étudié la musique à l’université. Mes parents ne buvaient pas vraiment de vin, c’est un intérêt que j’ai développé par moi-même. J’aimais apprendre, étudier. Alors j’ai commencé par mémoriser les appellations de Bordeaux, puis j’ai voulu goûter les vins. Il y a un vrai parallèle entre la musique et le vin : dans les deux cas, il s’agit de mettre des mots sur une sensation. On analyse la structure d’un vin comme on analyserait celle d’une symphonie : le milieu de bouche, la finale, les tannins… Tout doit être en harmonie.

 

Quel est votre rôle en tant que Master of Wine aujourd’hui ?

Je suis encore assez nouveau dans ce rôle, à peine plus d’un an. Mais cela ouvre beaucoup de portes. C’est un excellent moyen pour partager, inspirer. Je parle du vin de manière très libre et j’aime transmettre aux nouvelles générations. Et peut-être parce que je suis encore relativement jeune, je peux créer un lien plus direct avec ma génération.

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Comment définiriez-vous un grand vin ?

C’est une question qu’on me pose souvent, et ce n’est pas simple d’y répondre. On peut l’envisager du point de vue du vigneron : un vin produit en petites quantités, avec beaucoup d’attention et de soin. Mais on peut aussi l’aborder du point de vue du consommateur : qu’est-ce qui fait qu’un vin est perçu comme un grand vin? Est-ce le prix ? La réputation ? L’histoire ? Ou bien tout cela à la fois ? En réalité, c’est une combinaison de tous ces éléments : l’intention du vigneron, la reconnaissance du consommateur, la qualité, l’histoire, la vision. Il est donc difficile d’en donner une définition unique.

 

Y a-t-il une région du monde que vous jugez particulièrement dynamique en ce moment dans l’univers des grands vins ?

Au-delà des régions traditionnelles comme Bordeaux ou la Bourgogne, ce qui est marquant ces dernières années, c’est l’émergence de nouvelles zones. L’Afrique du Sud, par exemple, attire de plus en plus l’attention grâce à la qualité de ses vins, et notamment d’excellente Syrah. Il y a une décennie, c’était un tournant pour la viticulture sud-africaine avec une vraie effervescence et de nouveaux producteurs. La qualité n’a cessé d’évoluer depuis. L’Afrique du Sud devient clairement une région qui compte.

 

Comment décririez-vous le marché actuel des grands vins au Royaume-Uni ?

Le marché des grands vins au Royaume-Uni évolue selon deux dynamiques. D’un côté, on observe une diversification croissante : plus de régions produisent aujourd’hui des vins de très grande qualité, avec des styles variés et une vinification plus précise. De l’autre, le contexte économique global pèse sur les consommateurs, et entraîne une baisse de prix sur le marché secondaire. Mais cela ouvre aussi des opportunités : on peut aujourd’hui accéder à de grands vins pour des prix beaucoup plus accessibles.

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Londres est un marché réputé pour être très dynamique, voire précurseur. Quelles sont les tendances que vous y observez aujourd’hui ?

Londres est une ville très éclectique, faite de quartiers presque comme des villes à part entière. À Mayfair, par exemple, on boit surtout les grands noms, les étiquettes prestigieuses. Mais dans le sud de Londres, là où je vis, on trouve des bars à vins plus décontractés qui proposent des vins plus accessibles, des cépages indigènes, des styles moins interventionnistes. C’est donc une histoire de diversité.

 

Et en dehors de Londres, d’autres villes vous paraissent-elles particulièrement dynamiques ?

Chez Lay & Wheeler, nous avons lancé une initiative pour distribuer des crus classés de Bordeaux, et notamment des millésimes anciens, à des restaurants hors de Londres. Nous avons eu le plaisir de vendre des vins de Cos d’Estournel, par exemple, à de très bons établissements à Birmingham, Leeds ou Manchester. La demande pour les grands vins ne se limite clairement plus à Londres.

 

Voyez-vous un intérêt croissant des jeunes générations pour les grands vins ?

Oui, clairement. Le vin, longtemps perçu comme un produit culturel élitiste, est aujourd’hui en pleine mutation : il est plus accessible, et de nombreux clients plus jeunes veulent en apprendre davantage. Il faut continuer dans cette direction. Aider les consommateurs à mieux comprendre les régions, à s’orienter dans une carte des vins, les éduquer finalement, c’est essentiel. Contrairement aux anciennes générations, beaucoup de jeunes amateurs ne veulent pas acheter une caisse de six ou douze bouteilles – c’est cher, cela prend de la place, et on ne sait pas toujours si on aimera. Pouvoir acheter une ou deux bouteilles, tester avant de s’engager, c’est important. En tant que professionnel, il faut s’adapter à cette envie de découverte.

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Pensez-vous que les codes de communication du vin sont en train de changer ?

Oui, totalement. Avant, un seul critique pouvait faire ou défaire un vin. Aujourd’hui, il y a une multitude de voix, y compris des amateurs passionnés. C’est une vraie démocratisation, renforcée par le numérique. On peut raconter des histoires, faire voyager les gens au cœur des vignobles.

 

Avez-vous un souvenir particulier avec Cos d’Estournel ?

Cos d’Estournel est une propriété immédiatement reconnaissable. Quand on passe devant ces vignes et qu’on voit le château, on le repère tout de suite. C’est très différent de tous les autres domaines du Médoc.

 

Cos d’Estournel entretient un lien historique avec l’Inde. Pensez-vous que cela résonne chez les consommateurs britanniques ?

Oui, c’est une histoire très originale. Les consommateurs veulent comprendre l’histoire derrière un vin, et celle de Cos d’Estournel est vraiment unique. Pour moi, le vin est un produit culturel, il parle du temps, d’un lieu, d’un savoir-faire. Et l’histoire de Cos, ses connexions dans le monde, c’est exactement ce qui peut susciter l’adhésion des consommateurs.

 

Y a-t-il un millésime que vous appréciez particulièrement ?

Selon moi, 2008, avec l’installation du chai gravitaire, marque une nouvelle ère pour Cos. Les millésimes 2008, 2012 et 2014 sont magnifiques aujourd’hui. Mais le millésime qui m’impressionne vraiment, c’est le 2010. Il est remarquablement équilibré, accessible dès maintenant, mais promis à une grande garde. J’aime aussi beaucoup les blancs de Cos d’Estournel : complexes, intenses, vifs, zestés – ils démontrent tout le potentiel des grands blancs de Bordeaux.

 

Pour finir, si vous deviez décrire Cos d’Estournel en trois mots ?

Puissance, élégance et précision. Voilà en trois mots comment je décrirais Cos d’Estournel.


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