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COS Chronicle

Retour des Indes

ARTICLE -

L'appel du large

Les archives de Cos d’Estournel révèlent la trace de cette bien étrange appellation donnée à certains vins : « Retour des Indes ». Dès 1838, au moins, Louis-Gaspard d’Estournel expédiait ses bouteilles par navire vers les Indes, avant de les faire revenir : ce double trajet avait pour effet d’accélérer le vieillissement du vin et de le bonifier.

Est-ce par hasard que celui qui fut surnommé « Le Maharadjah de Saint-Estèphe » découvrit les bénéfices de ce voyage sur ses vins ? Sans doute : passionné d’Inde, Louis-Gaspard d’Estournel avait pris l’habitude d’y expédier ses vins. Revenant d’un voyage avec quelques bouteilles invendues, il constata à son retour que ces vins qui avaient parcouru plusieurs milliers de kilomètres dans des conditions bien particulières étaient plus complexes et plus épanouis.

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En 1843, le Congrès des Vignerons Français mentionne l’état des bouteilles de Cos d’Estournel qui reviennent d’Inde, en insistant sur la « supériorité acquise tant en finesse qu’en développement de sève, pour les vins de Cos d’Estournel revenus de l’Inde, dans des bouteilles bouchées en verre ».

En 1867, le spécialiste de la vigne et du vin Raimond Boireau relate une expérience scientifique à laquelle participent des bouteilles de Cos d’Estournel 1848. Dans son ouvrage Traitement pratique des vins, spiritueux, liqueurs d’exportations par les méthodes bordelaises, il explique le phénomène du vieillissement par l’agitation continue. « Nous avons comparé des vins de Cos-Destournel 1848 […] tirés en bouteilles et expédiés en 1851, comme provision, à bord d’un navire faisant le voyage de Calcutta, avec les mêmes vins conservés en caveau. À leur arrivée, en 1852, les bouteilles qui avaient fait le voyage et qui avaient les dépôts considérables […] furent remises en caveau.
Un mois après, on les dégusta comparativement avec les vins restés en France, mais sans les décanter. Les différences dans la couleur, l’arôme et la saveur, étaient grandes : les vins de retour avaient acquis une couleur tuilée, leur bouquet était beaucoup plus développé, et ils avaient beaucoup plus d’arôme ; ceux qui étaient restés en caveau avaient conservé leur couleur rouge vif ; ils avaient plus de fruit, de moelleux et d’onctuosité, et paraissaient, par conséquent, beaucoup moins vineux que les premiers. »

Louis-Gaspard d’Estournel ne s’y trompa pas : cet heureux et singulier résultat rencontra un succès éclatant, entrant « en grande faveur chez les gourmets et les plus fins connaisseurs », comme l’atteste le Dr. Aussel dans La Gironde à vol d’oiseau… Cet engouement fut tel qu’il fut aussitôt imité par quelques voisins attentifs à l’audace du « Maharadjah de Saint-Estèphe ».

D’autres recherches menées depuis indiquent que la durée, le passage des Tropiques, de l’Équateur, les changements de température, les remous de la mer, ou encore l’oxydation créée par l’amplitude thermique et l’eau salée créent des vins généreux et étonnants. Un constat mené déjà au XIIe siècle, alors que se développe la vente et l’expédition de vins depuis la France vers l’Angleterre : il se raconte que le vin parti par bateau de Gironde était bien meilleur une fois arrivé à Londres.
Les plus récentes expériences confirment que l’évolution du vin est amplifiée grâce aux remous naturels et réguliers de l’eau : le mouvement du vin dans la bouteille ou, plus anciennement, en barrique, entreposé dans les cales des navires, développerait des saveurs uniques.

L’eau, un élément décidément bénéfique pour la qualité des vins, au-delà même de la mise en bouteilles…


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